Décision de la Cour suprême sur l’autonomie des barreaux de sanctionner de façon automatique les membres qui ne suivent pas le nombre d’heures de formation continue exigée.

L’appelant, un avocat depuis plus de 60 ans, a omis de se conformer à son obligation de suivre 12 heures de formation continue dans le cadre du programme de Perfectionnement Professionnel Permanent (PPP). Suite à son refus de se conformer, même après avoir été avisé par le Barreau qu’il verrait son permis d’exercice suspendu si ce comportement perdurait, l’appelant s’est vu suspendre son permis, sans audience et sans droit d’appel. Subséquemment, l’appelant a présenté une demande en jugement déclaratoire afin de contester la validité des dispositions régissant le PPP. Débouté en première instance et en appel, l’appelant a également été débouté devant la Cour suprême, avec dissidence.

La majorité rejette l’appel. En défendant d’emblée la mission de la protection du public et l’indépendance d’un barreau dans les mesures utilisées pour assurer cette mission, le juge Wagner (s’exprimant pour la majorité) rappelle que le mandat conféré par le législateur doit être interprété « de façon large et compatible avec l’objet de la Loi ». Un barreau est libre d’imposer la sanction qu’il trouve appropriée à la violation de la loi ou des règles qu’il établit. Le caractère raisonnable des règles a aussi été considéré. Toutefois, ne constituant ni une punition ni une remise en question de la compétence du professionnel visé, la suspension est de nature entièrement administrative et elle est un moyen raisonnable et efficace de s’assurer que même les avocats réticents aux normes s’y plieront. Corollairement, étant de nature administrative, il est raisonnable qu’aucun droit à une audience ou à un appel ne soit prévu auxdites règles. « Les avocats sont les seuls responsables de se conformer aux règles, au moment qui leur convient ». Pour toutes ses raisons, la majorité a donc rejeté l’appel.

La dissidence des juges Abella et Côté est basée sur une approche différente; plutôt que de se questionner sur le droit d’un barreau de suspendre le droit d’exercice d’un membre pour un manquement à l’obligation de suivre des cours, les juges se sont questionnées sur le droit d’infliger une suspension automatique à un membre. S’exprimant en son nom et au nom de sa collègue, la juge Abella écrit que la suspension d’un membre affecte la perception que se fait le public des avocats. Alors que la protection du public emporte l’obligation de veiller à ce que les services rendus respectent les valeurs de professionnalisme inhérentes à la profession, cette protection inclut également la protection de l’apparence de professionnalisme des avocats. Elle considère que les barreaux doivent s’acquitter de leur mandat de façon à renforcer la perception que les avocats se comportent de telle ou telle façon aux yeux du public. Il faudrait donc éviter d’adopter des règles « qui érodent de manière déraisonnable la confiance du public envers les avocats ». Puisqu’il s’agit de l’infraction la moins grave qu’il soit, le Barreau « contrevient à son obligation de protéger la confiance du public envers le professionnalisme des avocats contre une érosion inutile ». Écrivant que « lorsqu’un avocat est suspendu, la confiance du public à son endroit l’est également », la juge spécifie qu’il s’agit de la « seule question liée à la compétence des membres » qui n’est assortie « d’aucune garantie procédurale et d’aucun recours pour le membre », qui n’accorde aucune latitude au directeur général, en plus d’entraîner une suspension automatique sans égard à l’existence ou non de circonstances susceptibles de le justifier. Clôturant l’argumentaire par le contraste net entre cette obligation et les exigences de formation obligation établies dans la plupart des autres provinces et territoires du Canada, la juge Abella écrit que la suspension automatique assortie à la violation de l’obligation de formation « est si loin de garantir la confiance du public envers les avocats qu’elle est manifestement injuste, et donc déraisonnable ».

Lien vers la décision: Green c. Société du Barreau du Manitoba, 2017 CSC 20